La « Théologie par les pieds » déplace les montagnes
Il y a un an, l’hommage à trois théologiens récemment disparus (Jean–François Grégoire, Thierry
Tilquin et Jean–Louis Undorf) avait été un tel succès que l’on s’était fixé rendez–vous pour une
deuxième édition de la « Théologie par les pieds ». Sous les auspices du Cefoc et d’Entraide et
Fraternité / Vivre Ensemble, avec Lumen Vitae, L’Appel et le Vicariat de la santé à Liège, cette
deuxième journée nourrissante et vivifiante s’est déroulée samedi 5 novembre au Collège Notre–
Dame de la Paix à Erpent. Un nouveau succès de foule avec 135 participants.
Mais qu’est–ce que la « théologie par les pieds » ? « Une théologie vécue comme une ouverture et un
décentrement, qui atteint les lieux où vivent des femmes et des hommes dont la voix est si atténuée
qu’on les nomme les ‘sans–voix’. »
La journée était consacrée aux peurs autour du titre provocant « Même pas peur…. Et si les peurs
ouvraient d’autres chemins ? » Guillaume Lohest, président des Équipes populaires (MOC), a présenté
les résultats d’une enquête montrant qu’une écrasante majorité de citoyens nourrissaient des peurs à
l’égard de trois grands sujets : le climat, l’emploi et les menaces sur la paix et la démocratie.
« La peur ne fonctionne pas, elle crée un choc mais crée surtout fuite et paralysie, alors que, à l’exemple
de ce que faisait Paul, il faut accompagner cette peur par le partage, la joie, la convivialité, la bonne
humeur », a témoigné Benoît Schoemaeker avec sa casquette d’accompagnateur de projets de
transition écologique pour Entraide et Fraternité / Action Vivre Ensemble. Deux autres témoignages
forts aussi sous l’angle « Que faire sur le terrain ? », celui d’Emmanuelle Thiry, médecin en soins
palliatifs à Namur, et de Patrick Van Laethem, directeur de l’AMO Color’Ados à Braine–l’Alleud. Tant
par rapport à des malades en soins palliatifs que par rapport à des jeunes victimes de décrochage et
de harcèlement, tous deux ont montré que seuls les gestes de fraternité créaient de l’espérance.
Avant et après ces témoignages, le théologien dominicain Ignace Berten a offert quelques lectures
analogiques autour des peurs. Quand la vie déplace la pensée croyante (Cerf, 2021) n’est pas pour rien
le titre du dernier livre d’Ignace Berten. Invité à répondre aux questions nées du travail en ateliers, il a
fait le lien entre « vie » et « théologie » : « Pour Jésus, vivre le Royaume qu’il annonçait était cette
expression de liberté, soucieux, ici, maintenant, concrètement, dans les petites choses, de la dignité
dans une confiance radicale en Dieu, jusqu’à la limite ultime de l’incompréhension. Nous vivons aussi
dans l’incertitude que nous sommes appelés à assumer et traverser : que l’on parle du climat ou du
nucléaire, le pire n’est pas certain. Comment vivre dans cette perspective alarmante ? En osant croire
que des rebondissements imprévus sont possibles. Pour Jésus, il y a une façon de se situer dans le
présent que nous pouvons vivre avec d’autres. Je suis persuadé que c’est dans les communautés qu’on
pourra trouver une façon de traverser les peurs sans sombrer dans la paralysie ou l’indifférence. La
question est de savoir quelles sont les choses sur lesquelles nous avons prise et les lieux qui permettent
la vie. C’est seulement comme ça que l’on pourra assumer et traverser les peurs. »
« Ce que nous avons accompli aujourd’hui, sur quelle espérance tout cela débouche-t-il quant à des
prolongements possibles, non pas dans une salle comme celle-ci, mais là où nous sommes les pieds sur
la terre ? Que pouvons-nous mettre en route ? Nous allons commencer par quoi ? En nous souvenant
que, ce qui commence est rarement spectaculaire et visible de tous !», s’est demandé en conclusion –
et en guise de perspective d’avenir ! – le théologien Bernard Van Meenen. Celui-ci a donc proposé à
l’assistance l’appropriation d’une proposition de chemin théologique, un texte en mouvement : « Il
s’agit d’un travail critique, pas d’une théorie : ce sont les pratiques qui créent le ‘lieu’ théologiaue de la
théologie par les pieds, une théologie qui ne se vit pas et ne se pratique pas sans d’autres. Ce qui met la théologie par les pieds en mouvement, c’est aussi une force de rassemblement : toute rencontre au
cœur de l’humain ne reste pas sans lendemain. »
Jean-François Lauwens